Un pas devant l’autre, les piétons sont de retour.

Par Antoine Astruc.

Il y a quelques mois le journal écolo Nouvel Obs titrait « Piétons, bientôt la revanche », cela fut suivi par l’apparition dans de très nombreux programmes politiques d’un intérêt pour les piétons…
La séquence électorale terminée, les nouvelles municipalités devraient alors enfin pendre en compte le marcheur en lien avec le constat fait par la presse que le piéton est sur le retour. Car celui-ci fut l’abandonné des dernières années, si le cycliste, tout aussi victime de l’accaparement automobile des villes, peut dorénavant compter sur des politiques de plus en plus ambitieuses, le piéton reste le dernier maillon de la ville.
Il est tellement relégué dans les placards des politiques de transport qu’il fait souvent l’objet de politiques protectionnistes. Comme si le piéton était rare, fragile, faible, on conçoit des moyens de le protéger derrière des barrières, des feux, des trottoirs…
Peu de villes pensent le trajet du piéton, sa qualité, son efficacité. Les passages piétons, signent leur défaite sur la voiture (les bandes blanches semblent seulement indiquer la potentialité du passage de piéton, dans le même registre qu’un passage de sanglier. Les espèces vivantes sont alors des intrus sur le passage des automobiles).

Cependant, ces dernières années les villes se sont intéressées à des piétons particuliers : le piéton client. Celui-ci a eu le droit à des rues piétonnes, de nouvelles places, des trottoirs élargis, des animations… Toutes les politiques piétonnes ont été pour lui. Alors que son frère non-client : le badaud, le promeneur, le vagabond, le travailleur n’a eu droit qu’à quelques aménagements sécuritaires de-ci de-là…
En effet, en dehors des hypercentres piétonnisés, il est difficile de trouver trace d’une politique piétonne (ou pédestre) : pas de passerelles sur les routes, pas de rues piétonnes entre ma maison et la fac, pas d’animation le matin quand je vais au travail. C’est à peine si les conditions de sécurité ont évolué, il existe à Caen des zones d’activités récentes où il y a tout simplement pas de trottoir !

Et pourtant, le piéton n’est-il pas l’acteur quasi-unique de la ville ?
Le premier et le second rôle, le chœur et l’orchestre ?
Sans être piéton centré, il faut tout de même faire remarquer que le piéton apporte de la vie aux lieux où il marche, d’ailleurs comment appelons nous une ville sans piétons ? N’est ce pas une ville fantôme ? Et comment appelons nous un quartier sans piéton ? Une zone industrielle ??
Le piéton rend la ville vivante par sa présence, il est au cœur de l’espace urbain, il lui donne du sens. Sans piéton, il n’y a que des murs et des routes…

La ville doit donc réintégrer ce composant essentiel d’autant qu’il ne pollue pas, prend très peu de place et ne fait aucun bruit. Se déplacer à pied (devenir piéton…) est un très bon moyen de lutter contre le changement climatique (n’oublions pas qu’un trajet automobile sur trois effectué en ville fait moins d’un kilomètre soit 10 minutes à pied…) tout en économisant les ressources naturelles. La marche à pied n’est pas moins rentable que la voiture : coût très limité (amortissement des chaussures), gain de temps (en comptant de porte-à-porte un trajet uniquement pédestre en centre-ville est plus rapide jusqu’à 2 kilomètres) sans oublier les multiples avantages (santé, relaxation, intimité, découverte de la ville, possibilité d’utiliser rapidement d’autres moyen de transport (vélos, transports en commun…)).

Pour favoriser les déplacements pédestres les politiques urbaines doivent en premier lieu arrêter de le considérer comme une victime, un petit être perdu dans un univers étranger parce que cela n’est plus vrai : le piéton est partout chez lui, et parce que cela n’aide pas le piéton à s’affirmer partout chez lui.
Il faut ainsi donner aux piétons les moyens de leur émancipation, de leur rébellion pour qu’il puisse conquérir d’autres espaces.
Sachez camarades que dans chacun de vos pas il y a un pas de juste colère, ne vous laissez pas dicter votre trajet par de vulgaires traces de peinture ou des trottoirs ségrégationnistes ! Affirmez vous en passant là où cela vous plait, faites ralentir les voitures, montrez leur que le piéton est roi, heureux, riche et rapide.
Il n’a plus à se cacher, il faut qu’il se montre, prêt à reprendre les rues que les autos ont transformées si vite en routes…

Piétons, unissons nous !
Je propose comme premier mode d’action de faire comme les vélorutions des cyclistes, organisons des manifs à pied : des pédorutions !

Face à ce mouvement qui prend forme telle une vague de lacets et de semelles, de talons et de chaussettes, la ville doit réagir :

1/ Se donner comme objectif de rendre toute la ville accessible au piéton
2/ Admettre que le piéton est un très bon moyen de se déplacer
3/ Assumer le fait qu’une telle politique risque de changer la ville

En premier lieu l’accessibilité de la ville doit être parfaite : les zones industrielles ne peuvent être sans trottoirs, les périphériques doivent êtres régulièrement franchissables, les détours doivent être limités, les carrefours et les parkings ouverts aux piétons…

En second lieu, la ville doit être désirable à pied : effectuer un trajet à pied plutôt qu’en voiture doit permettre de passer un bon moment, il faut rendre agréable le parcours quand les accessoires du piéton moderne (téléphone, Ipod…) le rendent utile.

En troisième lieu, il faut que la marche soit une culture : devenir piéton est un choix qui se doit se faire pleinement pour que piétons nous sommes piétons nous resterons. Il faut créer une culture pédestre dans la ville, par exemple en créant le réseau des petits bonheurs (jardins de poches, ambiances sonores, goodies olfactives…) afin de permettre l’appropriation des lieux, et de ses pas.

En quatrième lieu, il faut, pour que la marche se développe, penser son arrêt : les Suisses ont créé des stations de marche, sorte de « Hub de vie » lieu de pause pour le marcheur ou d’intermodalité pour tous.

Les conséquences de telles politiques sont nombreuses : densification de la ville, limitation des émissions polluantes, moins de bruits, moins de blessés, moins d’obèses, moins de stressés…
Surtout, la ville saura compter pour devenir durable sur des citoyens qui la connaissent parce que soir et matin, ils la parcourent dans son intimité, de découvertes excitantes en petits bonheurs habituels. Loin de la monotonie d’une relation motorisée, je vous propose un acte d’amour sensuel et passionné avec votre ville : la ville durable est définitivement sexuée et sexuelle…

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