Intervention de Colette Gissot à la Gay Pride caennaise, samedi 18 juin 2011

Je voudrais revenir sur une petite victoire.

Organisée depuis 1954 le dernier dimanche d’avril pour se souvenir des événements innommables survenus au cours de la 2nde guerre mondiale, la journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation nous propose de nous recueillir à la mémoire de toutes les victimes de la déportation.

Or, que ce soit dans les discours ou dans le choix des participants, la déportation homosexuelle était tout simplement niée.

Pourtant, il est aujourd’hui reconnu que près de 100 000 personnes en Europe ont été arrêtées au cours de la seconde guerre mondiale au motif qu’elles étaient homosexuelles, près de 10000 d’entre elles ont été déportées dont plus de 200 en France.

Le plus connu étant Pierre Seel (sil), reconnu comme déporté pour homosexualité, dont le combat et le témoignage ont permis de faire la lumière sur ces faits. Aujourd’hui décédé, Pierre Seel a donné son nom à plusieurs rues françaises avec la mention « déporté pour homosexualité ». La reconnaissance de la déportation pour motif homosexuel a été long à obtenir mais est aujourd’hui bel et bien reconnue grâce à des positions de Lionel Jospin en 2001 et Jacques Chirac en 2004.

Une circulaire signée en 2001 par Jean-Pierre Masseret, alors secrétaire d’État aux Anciens combattants demandait aux préfectures d’associer aux cérémonies les associations homosexuelles.

Et pourtant, dans le Calvados, département du débarquement, il n’en était rien.

Alertés, les Verts bas-normands ont écrit 3 années de suite (2009, 2010, 2011) au Préfet du Calvados pour qu’il associe les associations LGBT aux cérémonies de la journée nationale du souvenir de la déportation.

Cela constitué pour nous une atteinte au devoir de mémoire et une entorse au principe d’égalité des droits que les Verts défendent devant tout acte de la vie, devant tout fait public, qu’il soit présent ou qu’il relève de la mémoire.

Les Verts militent activement, vous le savez, pour l’application concrète du principe d’égalité, pilier fondateur de notre république. Se souvenir de toutes les victimes de la déportation, sans exclusive, relève d’un des principes élémentaires du devoir de mémoire que chacun d’entre nous se doit de faire vivre au quotidien.

Il ne s’agit donc pas ici de reconnaître un droit spécifique à telle ou telle catégorie, il s’agit simplement de reconnaître que l’horreur des faits historiques est la même pour chacun. La déportation d’un homme ou une femme – quel qu’en soit le motif – est un crime contre l’Humanité qui ne saurait être ni sectorisé, ni oublié.

Notre demande était triple : – inviter officiellement les associations LGBT aux cérémonies, – à la dépose de gerbe dans toutes les cérémonies prévues le dimanche 25 avril. – dialogue entre les différentes parties prenantes afin d’éviter toute confrontation et la reconnaissance de la légitimité de chacun à perpétuer le souvenir de toutes les victimes de la déportation.

Après deux refus, le nouveau Préfet du Calvados par courrier du 22 avril 2011 annonce enfin qu’il n’a pas d’objection à cette demande. Il a demandé au Directeur départemental de l’Office national des anciens combattants de s’assurer d’une représentation équitable des représentants LGBT. Ils seront invités à participer à la réunion de préparation de cette cérémonie et au financement de la gerbe unique représentant tous les déportés.

Le dernier dimanche d’avril 2012 – entre les deux tours de l’élection présidentielle – il y aura donc pour la première fois une représentation des asso LGBT lors des cérémonies. C’est une victoire pour la clairvoyance d’une société qui ne fait pas de distinction dans l’ombre entre les victimes d’une telle ignominie et qui considère que tous les déportés étaient sans aucune exception tous autant innocents.

J’aimerai aussi revenir sur un point d’actualité déjà évoqué par les précédents orateurs :

Le mardi 14 juin était débattu une proposition de loi pour autoriser le mariage entre deux personnes, tout simplement et abroger l’interdiction pour les couples non-hétérosexuels.

Cette discrimination place notre pays dans un retard inexcusable.

Malheureusement, malgré l’évolution de plusieurs députés notamment de droite et du centre et le vote unanime de la gauche, le texte a été rejeté par 293 voix contre 222.

Ce n’est tout de même pas une revendication considérable que de donner les mêmes droits aux citoyens qui ont les mêmes devoirs. L’égalité devant la loi, et notamment ici le code civil, n’existe toujours pas. A nous de combattre les reflexes rétrogrades d’une droite qui a maintenu pour encore quelques temps cette discrimination devant les choix du cœur des êtres humains.

Constatons dans les justifications des opposants au mariage pour tous, la justification du mariage par la mission procréatrice des hommes et femmes. A l’heure où 55% des enfants naissent hors mariage, c’est un non seulement un déni de réalité mais aussi un refuge pour des personnes qui cachent en fait un rejet pur et simple de l’homosexualité.

La droite reprend souvent l’argument selon lequel le mariage serait – encore ?- une institution qui structure notre société. Outre le fait que l’on peut en douter quand on constate simplement comment nous vivons tous mais surtout une société structurée par un mariage qui malheureusement exclut, un acte qui discrimine encore malgré lui, pose problème ! Ma structure de société se fait par le choix du cœur et quand deux personnes s’aiment, c’est plus structurant que toutes les règles et traditions dans lesquelles on veut enferrer notre pays.

Enfin, le groupe UMP a justifié son vote contre mardi dernier par l’application du principe de précaution ! Celui-ci nous oblige à être prudent et à rechercher la garantie de l’innocuité de nos actes. Considéraient-ils qu’ouvrir le mariage à tous les hommes et femmes serait nocif ? Considéraient-ils que le principe de précaution est utile face à des gens qui s’aiment ? La seule précaution qui vaille aujourd’hui c’est de savoir comment être sûr que nous arriverons à construire demain un monde dans lequel ce genre de phrase fera sourire dans un cours d’Histoire.

Et c’est aussi ce genre de journée, où chacun est appelé à être fier de ce qu’il est, qui construit ce monde.

Finalement, la Gay Pride c’est surtout la fierté d’être soi et la volonté de proclamer haut et fort que l’amour, les choix de ce que l’on vit ne doit peser socialement ; et qu’il sera toujours au-dessus de tous les conservatismes que l’on devra dépasser, à un moment ou à un autre, par le vote et la mobilisation.

2 commentaires pour “Intervention de Colette Gissot à la Gay Pride caennaise, samedi 18 juin 2011”

  1. […] Intervention de Colette Gissot lors de la gay pride de 2011 […]

  2. […] Relisez ici l’intervention de Colette Gissot lors de la précédente Gay Pride […]

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