Le Syndicat mixte régional Ports Normands Associés (PNA) projette de créer une plate-forme pour conteneurs sur la zone portuaire de Calix sur les communes de Mondeville et d’Hérouville-Saint-Clair. Conformément à la réglementation, ce projet est soumis à enquête publique. Les élus Europe Ecologie Les Verts au Conseil Municipal de Caen contribuent au débat public, considérant l’importance de la question du transport de marchandises sur notre territoire et l’avenir du port de Caen Ouistreham.

Retrouvez ici l’intervention de Rudy L’Orphelin à ce sujet lors du Conseil municipal du 12 décembre 2011.

 L’urgence du transfert modal

Si l’objectif de limiter le trafic poids lourd semble faire consensus, il est toujours en augmentation relativement aux autres modes (train, maritime, fluvial…). Sa consommation de carburant, ses impacts sur la congestion routière et sa contribution aux émissions de gaz à effet de serre continuent ainsi de progresser.

 L’intérêt principal de ce projet est de contribuer à un nécessaire transfert modal. En effet, auparavant réceptionnées au Grand Port Maritime du Havre et acheminées par camion vers l’agglomération caennaise, des marchandises devraient donc rejoindre Caen par la mer, ce transport par cabotage maritime remplaçant de ce fait une partie du trafic routier. C’est une proposition alternative concrète au transport de marchandises par camion. En ce sens, ce projet est une bonne initiative de la part de PNA qui permet de créer de l’activité et des emplois avec un impact positif sur l’environnement.

 1. Un projet aux impacts économiques et environnementaux positifs

 1.1 Un impact sur l’environnement globalement positif.

Cette plate-forme conteneurs permet de créer un transfert modal concret. Il pourrait capter 15% du trafic de conteneurs entre Le Havre et l’agglomération caennaise, soit 20.000 trajets de camions par an.

Cela permettrait ainsi d’économiser 3,5 millions de kilomètres en camion, soit l’équivalent de 2000 tonnes de gaz à effet de serre et de 700 tonnes équivalent pétrole (TEP). C’est considérable.

Le bilan est très largement positif du point de vue de la lutte contre le changement climatique, fait suffisamment rare s’agissant des activités industrielles pour être souligné.

1.2 Un apport réel d’activité économique pour le port de l’agglomération caennaise

Avec ce projet le port de Caen retrouve une partie de sa vocation en matière de développement industriel et économique.

Si les conversions de friches portuaires en activités tertiaires ou en logements se multiplient en France (Rouen, Bordeaux…) il nous faut faire la différence entre une friche d’où rien ne repoussera et une friche qui n’attend que de nouvelles activités.

Le quai de Calix, où s’implantera la plate-forme, n’est pas destiné à une activité économique éloignée du portuaire et encore moins destiné à du logement. Comme il est rappelé dans l’enquête publique, la plate-forme sera en effet dans une zone SEVESO, à proximité d’un dépôt d’intrants agricoles, d’une station d’épuration, et située sur des sols pollués.

C’est d’ailleurs pour cela que les communes de Mondeville et d’Hérouville-Saint-Clair ont défini ces zones dans leurs Plans Locaux d’Urbanisme comme étant vouées à de l’activité économique, notamment portuaire, conformément au Schéma Directeur de la Presqu’île voté par ces communes, ainsi qu’au Schéma de COhérence Territoriale arrêté en décembre 2010.

1.3 Le désengorgement du port du Havre

Ce n’est pas le moindre de ses avantages. Le Grand Port Maritime du Havre est aujourd’hui de plus en plus occupé par l’activité conteneurs et devrait poursuivre son développement. Or, celui-ci s’est souvent fait au détriment de l’environnement de l’estuaire de la Seine.

L’exemple des conséquences du clapage des boues de dragage lié à l’agrandissement du chenal de la Seine et de l’activité des ports du Havre et de Rouen illustre les conséquences sur l’environnement de sites portuaires gigantesques.

De plus, la concentration d’activités sur ces deux sites limite le développement des autres ports normands. Europe Ecologie Les Verts a toujours défendu la coopération entre les ports plutôt que leur mise en concurrence.

C’est l’absence de concertation et de solidarité qui fait que le Grand Port Maritime du Havre pourrait être choisi comme plate-forme pour l‘éolien offshore, et c’est cela même qui a conduit PNA a proposé pour le port de Cherbourg des politiques industrielles hasardeuses et polluantes tel le projet – aujourd’hui enterré – de terminal charbonnier.

2. Les demandes des élus Europe Ecologie Les Verts

2.1 Sur l’organisation du débat public

En préalable, nous trouvons dommageable que cette enquête publique se limite, comme pour d’autres, à la durée minimale prévue par la Loi.

Le retour d’activités portuaires sur cette zone suscite diverses réactions normales au vu de la proximité d’habitations. Les résidents, qui logent à quelques centaines de mètres du site retenu, doivent recevoir toutes les réponses à leurs questions.

Nous suggérons de constituer une commission de suivi avec les habitants concernés,  des associations de protection de l’environnement et des élus locaux, qui proposerait des préconisations pour limiter des impacts constatés et veillerait à leur application. Cette commission aurait vocation à se réunir au plus tôt avant la réalisation du projet et pourrait être maintenue durant le fonctionnement de la plate- forme.

2.2 Sur les impacts de l’activité sur l’environnement

Sur le bruit. Il est indiqué dans le dossier d’enquête publique que le bruit serait inférieur au bruit ambiant hormis entre 2h00 et 4h00. Considérant cela, PNA prévoit de suspendre les activités sur cette plage horaire.

Cependant, nous comprenons la crainte des riverains sur le bruit nocturne et nous sommes en attente de plus de garanties au-delà de cette plage horaire et au-delà du simple respect de la réglementation. Afin de limiter encore les nuisances, nous suggérons d’allonger la période d’inactivité nocturne.

Sur l’éclairage. L’installation de poteaux éclairant le site va accroître la pollution lumineuse du site avec des impacts sur les riverains et la faune. Ainsi, dans la mesure du respect des conditions de sécurité, nous souhaitons savoir s’il est possible de diminuer l’intensité lumineuse (actuellement prévue à 400 watts sur 8 projecteurs portés par 7 mats) et de l’adapter à l’activité réelle de la  plate-forme.

Sur le paysage. La perception de la valeur des impacts est relative. Ainsi, l’impact sur le paysage d’une plate-forme conteneurs peut être plus positif que l’existence d’une friche comme c’est le cas actuellement. La présence de grues par exemple valorise en effet l’identité portuaire du site, ce qui n’est pas sans intérêt pour les usagers de la voie verte par exemple.

2.3 Les impacts sur les usages actuels du canal

Aujourd’hui, le canal est utilisé par des clubs de kayak, d’aviron et de voile. Ces loisirs relativement prisés sont tributaires de l’activité portuaire. Les inquiétudes sont donc réelles et compréhensibles chez leurs usagers. Nous sommes toutefois conscients que l’augmentation du trafic reste minime (+1,5% à Ouistreham). Mais la perception d’un porte-conteneurs n’est pas la même pour un voilier. Nous pouvons donc comprendre l’appréhension.

Nous souhaitons ainsi savoir quelles dispositions peuvent être prises, en concertation avec les clubs, pour qu’ils s’adaptent à cette nouvelle activité, si une adaptation s’avère nécessaire. Nous proposons qu’ils soient associés à la commission de suivi.

2.4 Les risques

La plate-forme conteneurs accueillant plusieurs centaines de milliers de tonnes de marchandises par an, il n’est pas impossible qu’un accident survienne. Le retour d’expérience montre qu’il y a un risque potentiel d’ouverture accidentelle de conteneur. C’est pourquoi nous demandons une information précise sur les marchandises qui ont vocation à être acheminées jusqu’au terminal.

3. L’avenir

3.1 Sur les déplacements

Il ressort de l’étude de circulation que le trafic routier devrait augmenter de 10% sur la RD 402 et de 1% sur la RD226 au niveau du pont de Colombelles, ce qui, dans la masse des déplacements, passera donc inaperçu. Concrètement, c’est en moyenne 8 pois lourds par heure. Ce faible surcroît de trafic ne justifiera donc pas la réalisation de la liaison Inter Quartiers Nord (LIQN) au motif de cette nouvelle activité.

 3.2 Vers une plate-forme multimodale

La situation de la plate-forme permet d’imaginer une utilisation ultérieure de la voie ferrée. De plus, la présence d’un foncier encore disponible rend possible la réalisation à moyen terme d’une plate-forme multimodale faisant transiter les marchandises du fluvial au rail sans passer par la route.

Notons que cela ne serait d’ailleurs pas possible en dehors de ce site spécifique. Il serait intéressant d’ajouter des perspectives de développement de la plate-forme à moyen et long terme et d’intégrer une étude de faisabilité de ce transfert fluvial-rail.

 3.3. La coexistence avec un avenir urbain de la Presqu’île.

La situation de la plate-forme conteneurs sur la Presqu’île portuaire doit être regardée en lien avec les différentes pistes de régénération du site.

Il paraît aujourd’hui évident que l’approche communale ne suffit pas. Les élus Europe Ecologie Les Verts défendent une gestion politique du territoire au plus proche de la réalité de vie. Le développement de la Presqu’île doit se penser, et se faire, à l’échelle d’une agglomération élargie.

Ainsi, il paraît dommageable que chaque commune s’invente un projet urbain sur la Presqu’île sans prendre en compte cette vision plus globale. Il serait donc intéressant de questionner la Société Publique locale d’Aménagement Caen Presqu’île sur le projet de plate-forme conteneurs, considérant que les communes Hérouville-Saint-Clair et Mondeville en sont parties prenantes. 

Conclusion : Monsieur le Commissaire Enquêteur, au vu des impacts positifs de ce projet de plate-forme conteneurs sur le quai de Calix, nous vous suggérons de donner un avis favorable assorti des observations que nous avons pu formuler.