Abstention des élus EELV sur le 4ème avenant / ANRU / Démolition
Mme BERGER. Cette question est assez difficile. Nous n’avions pas l’intention de l’aborder en Conseil municipal sans qu’il y ait un peu de réflexion sur le sujet.
Je rappelle que lors de la présentation de l’avenant n° 4, j’avais ici même émis quelques réserves et aussi dans d’autres instances, le projet prévoyait notamment à la Guérinière des démolitions des commerces et des logements au-dessus au nom de la nécessité de reconstruire et de développer plus de mixité sociale et d’une diversification de l’habitat.
Les choses ne sont pas aussi simples. Bien sûr, cela part de bonnes intentions mais la question de comment aborder la mixité sociale et la diversification de l’habitat mériterait d’être travaillée.
Peu de place dans le projet ANRU comme dans les précédents, où insuffisamment de place avait été laissée aux questions de mixité fonctionnelle dans ces quartiers, qui font pourtant partie des préconisations du Comité national de suivi de l’ANRU, selon lesquelles on devrait pouvoir construire aussi des locaux d’activité, soutenir une politique de développement socioéconomique sur ces territoires qui en ont bien besoin.
Peu de place aussi et peu de moyens pour la gestion urbaine de proximité. On sait que si l’on ne fait pas cela, les millions dépensés pour la reconstruction, la rénovation, quelquefois ne donnent pas bien satisfaction. En témoigne une réunion récente avec les habitants de la Guérinière, comme on en a régulièrement avec les locataires à Caen Habitat.
J’avais signalé qu’une fois de plus au moment de cet avenant, on développait une politique urbaine qui s’intéressait d’abord aux lieux et places et pas fondamentalement aux gens. C’est la philosophie générale de l’ANRU. En ce sens on n’échappe pas, malheureusement, à la règle. Cependant, dans ce projet n° 4, des choses intéressantes concernaient la Grâce de Dieu. L’accent avait été mis essentiellement sur des démarches de réhabilitation aussi bien de l’immeuble Langevin que ceux promis aujourd’hui à la démolition.
Je fais ce rappel pour expliquer les raisons pour lesquelles en tant qu’administratrice de Caen Habitat, je n’ai pas voté cet avenant n° 5. Je m’y suis opposée et je souhaitais faire part, en Conseil municipal, des raisons.
Ce deuxième projet renoue, hélas, pour la Grâce de Dieu avec le principe des démolitions, non pas que l’on puisse être à tout prix contre les démolitions mais les politiques qui ont consisté essentiellement en démolition et ensuite reconstruction en d’autres temps avant l’ANRU étaient prises autrement. On pensait d’abord construction de logements nouveaux, pour après, éventuellement, démolir ceux qui ne pouvaient pas être réhabilités.
En tant qu’administratrice de Caen Habitat, j’ai pensé que cet avenant n’était pas correct pour les habitants. Ces démolitions sont un traumatisme pour eux. Ce n’est pas rien. Souvent, ils ont vécu toute leur vie dans cet endroit.
Ces habitants avaient été, dans le premier projet ANRU, informés que leur immeuble serait démoli. Ensuite avec l’avenant n° 4, on leur dit : « Non, le logement va être réhabilité ». Effectivement, ces immeubles présentent des difficultés, pas tellement en termes de bâti. Car si c’est le cas, il faudrait démolir les immeubles identiques restant sur l’ensemble de la Grâce de Dieu, et il en reste heureusement beaucoup. Il y a des difficultés dites sociales. Là, il faut commencer à réfléchir.
Compte tenu de la position prise par l’avenant n 4, un travail fin avait été engagé avec les familles pour qu’elles puissent se réapproprier les logements et pour remettre des locataires dans cet immeuble afin d’introduire une dynamique sociale intéressante.
Ce travail a été mis en route entre octobre et maintenant. Ces jours-ci, les habitants apprennent que leur immeuble va être démoli, sans qu’ils aient été informés, consultés auparavant. Je considère que l’on ne doit pas faire les choses ainsi avec les habitants.
La deuxième raison de mon opposition à ce projet est que ces logements ne sont pas chers et amortis. Or, quand on regarde l’évolution de la demande de logements sur Caen et surtout des demandeurs de logement HLM, ce sont essentiellement des logements pas très chers, peut-être pas très confortables, pas forcément aux normes mais correspondant aux capacités financières qui sont souhaitées. Si l’on regarde les demandeurs de logement, on est effrayé par la précarisation d’une bonne partie de la population.
Il faut conserver le plus possible ces logements, en tout cas avant d’en avoir reconstruit d’autres à des prix corrects, pas très chers, ce que l’on a du mal à faire. Je pense que c’est une faute au regard des demandeurs de logement et des difficultés qu’ils vivent, de procéder autrement.
La troisième raison, c’est plus classique et connu mais il faut le rappeler, est que faire des démolitions plutôt que des réhabilitations y compris coûteuses, en termes de bilan énergétique on est loin du compte. On peut faire de très belles réhabilitations qui durent. Il ne s’agit pas forcément de faire des réhabilitations légères.
Faire une démarche de réhabilitation avec les habitants est aussi, s’ils sont dans une démarche très participative, une possibilité de les associer et de les rendre plus acteurs de la vie de leur territoire. On gagne donc beaucoup à conduire ces opérations. Au regard du bilan énergétique, on y gagne.
Quatrième raison : dans cette démarche et dans l’avenant n° 4, il y a encore très peu de place pour une articulation affichée notamment dans les programmes de l’ANRU entre la politique de rénovation urbaine et le soutien socioéconomique des habitants, le travail sur leur promotion (on va le revoir dans le cadre du CUCS), et les projets de gestion urbaine de proximité.
On a, bien entendu, prévu une démarche d’accompagnement des personnes. Accompagner les personnes n’est pas les mettre au cœur du processus de décision et de participation à la réhabilitation. Ce n’est pas tout à fait la même chose. Caen Habitat a maintenant une belle expérience de l’accompagnement, comme rappelée par Gratien ATCHRIMI. Quand on touche à des choses aussi importantes et sensibles, il faut vraiment aller au-delà.
Cet avenant est parti. Avec le groupe Europe Ecologie Les Verts, nous avons réfléchi à tout cela et estimé qu’au-delà de ce que l’on nous demande de voter aujourd’hui, il faudra faire une évaluation très fine de tout le programme ANRU voté en 2006. On a sur table des éléments d’information importants dessus, avec des données sociétales datant un peu, notamment au regard de la question de l’emploi, de la situation sociale des familles. Il faudra avoir une évaluation, si jamais on avait une politique d’ANRU 2 ou même toute autre politique autour des quartiers. Un travail est à faire, très fin.
Notre souhait exprimé est que cette démarche d’évaluation se fasse de façon participative, donc avec les locataires et les habitants de ces quartiers. Il est intéressant de se faire accompagner par des cabinets qui réfléchissent aux propositions. Il n’empêche que si ceux-ci ne sont pas capables de travailler de façon fine et sensible, y compris dans le domaine de l’évaluation, avec les habitants, on manque beaucoup dans notre possibilité d’assurer le développement harmonieux de toutes les catégories sociales de notre ville.