Intervention de Colette Gissot au conseil municipal du 14 septembre 2009
A propos du projet de Ville intégré dans le PLU.
J’ai le désagréable sentiment de ramener des choses terre-à-terre. Lorsque ces messieurs parlent d’urbanisme, j’ai toujours l’impression d’être dans l’histoire, dans le futur ou l’avenir, je ne sais pas bien dans quoi, en tout cas dans un discours qui ne se met pas à la portée de nos citoyens.
J’aimerais replacer les choses. Ce travail préparatoire ouvre les perspectives du plan local d’urbanisme. Nous sommes en retard et c’est gravissime. Nous sommes en retard car l’ancienne équipe n’a pas anticipé le temps nécessaire à l’élaboration du plan local d’urbanisme. Nous sommes encore dans un schéma d’aménagement qui date du siècle dernier. Nous sommes en retard, et c’est peut-être une chance, parce que cela va nous permettre de mettre en cohérence le SCOT, le PLH et le PLU.
Nous sommes en retard sur le plan réglementaire et ce n’est peut-être pas un drame. Mais nous sommes en retard et l’urgence est là, en premier lieu au niveau local. Le manque de construction de logements sur Caen, ces dernières années, a chassé nos concitoyens, et pas seulement les plus pauvres, de plus en plus loin de l’agglomération. En effet, la dure loi du marché fait qu’un bien devenu rare est un bien devenu cher. A Caen, le coût du foncier a entraîné une hausse des loyers et une stagnation de sortie d’HLM. Ces ménages, partis loin, sont clairement en situation de danger car la seule variable d’ajustement est la voiture. Comment feront-ils pour tenir leur budget avec un pétrole à cent dollars le baril ? Ces ménages, qui ont fortement intégré une culture urbaine, ne sont pas toujours bien reçus là où ils arrivent. Leurs enfants vont grandir… Comment penser que les petites villes, voire les villages ou les hameaux, auront les moyens de construire tous les outils nécessaires au développement harmonieux de ces futurs jeunes adultes ?
De plus, Caen doit-elle devenir une mégapole de privilégiés dont les serviteurs viennent de plus en plus loin, le plus souvent sans le moindre défraiement ? Devons-nous penser des mélanges de niveau social et de fonction ? Quels habitants pour quels emplois ?
Enfin, il faut faire davantage de logements pour loger le même nombre d’habitants : les divorces et les décohabitations nécessitent de plus en plus de logements.
Caen perd des habitants, Caen perd les moyens nécessaires à son rayonnement en ressources fiscales, mais aussi en dotations d’Etat.
Je n’ai pas encore parlé d’environnement, alors maintenant, parlons-en : terres agricoles vendues, trames vertes et bleues massacrées, paysages dévastés, assainissement collectif inexistant, zones humides asséchées, transports collectifs inorganisables. C’est partout, dans toutes nos campagnes, que l’on constate le dérèglement de la Ville. Dans le meilleur des cas, des lotissements, sinon des maisons isolées un peu partout, en haut des collines, au bord des ruisseaux, et des tonnes de CO2 crachées dans l’atmosphère. Nous devons d’urgence stopper ce mouvement, nous devons d’urgence recréer une centralité autour de Caen. Au-delà des grands équipements, la centralité est aussi la multiplicité des équipements ouverts à tous. Nous devons construire des logements et donner aux habitants l’envie de vivre en ville.
L’urgence est présente également au niveau global. La situation du Calvados, qui est emblématique du problème, se répète peu ou prou dans tous les départements métropolitains. Nos gouvernements vont aller en négociation à Copenhague, ils feront des promesses comme ils en ont fait à Rio, puis à Kyoto. Promesses qu’il nous appartiendra à nous de tenir, car les collectivités territoriales ont une grande responsabilité : elles doivent prévoir dans leur schéma directeur, dans leurs documents d’urbanisme, dans leur programmation, tout ce qui est si difficile à croire et à imaginer : le changement climatique. Pour la vie des hommes sur la planète, mais aussi pour que la vie des hommes sur la planète vaille la peine d’être vécue, nous savons tous que nous devons sortir des modèles d’aménagement, mais aussi des productions qui nous mettent en danger.
Nous devons donc imaginer une autre façon de vivre ensemble, plus économe, plus juste et moins cynique. Nous avons le devoir d’imaginer ce que nous avons peine à croire : l’urbanisme, c’est non seulement l’habitat, mais également l’emploi, les relations économiques et les relations culturelles qui seront profondément remaniées si nous voulons un avenir pour nos enfants.
A travers ce document, nous avons tenté d’imaginer une ville plus agréable, plus pratique, plus vivante. Aux habitants maintenant de nous dire si nous avons manqué d’audace.
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