Lutter contre les paradis fiscaux au niveau local, c’est possible !
Le Groupe Europe Ecologie-Les Verts a présenté à la majorité caennaise un projet de texte pour lutter contre les paradis fiscaux. Inspiré par le vote de 16 régions et quelques villes, il s’agit de mettre en place des critères de choix dans les modalités de contractualisation entre la ville de Caen et ses partenaires bancaires et financiers. Vous avez ci-dessous le texte tel qu’il a été présenté.
Depuis 2007 et le début de la crise bancaire et financière, nous sommes entrés dans l’une des plus graves crises économiques de notre temps d’une ampleur au moins aussi importante que celle qui a abouti à la Seconde Guerre mondiale. S’il le fallait, cette crise a révélé au monde entier les dérives du système financier international et l’impuissance des Etats souverains à faire appliquer des règles nationales dans un cadre où les échanges financiers sont internationalisés.
La mobilisation des Etats pour sauver le système bancaire a conduit, nous le savons, à une crise de la dette qui touche durement nombre de pays de par le monde et se traduit par des plans de rigueur qui portent atteinte de manière brutale aux acquis sociaux et au pouvoir d’achat des citoyens, dans un contexte de montée en puissance du chômage.
Alors que les gouvernements cherchent à résorber leur dette souveraine, nombre d’Etats et de territoires pratiquent encore aujourd’hui des concurrences fiscales déloyales et refusent toute coopération fiscale, privant ainsi les autres Etats de conduire des politiques visant à réduire les inégalités.
Ainsi environ 55% du commerce international et 35% des flux financiers transiteraient chaque année par les paradis fiscaux qui concentreraient, selon les estimations, 10 000 milliards de dollars d’actifs gérés[1] et les deux tiers des hedge funds mondiaux[2]. Ces paradis fiscaux bénéficieraient par ailleurs d’un tiers des investissements directs étrangers des multinationales sans contrepartie, pour les populations locales.
En France, on estime que la fuite vers les paradis fiscaux provoque chaque année un manque à gagner de l’ordre de 20 à 30 milliards d’euros.[3]
Face à ces constats, la situation a quelque peu évolué. Sous l’impulsion de l’OCDE, des accords bilatéraux de coopération fiscale ont pu être signés. La loi de finances rectificative du 30 décembre 2009 a introduit la notion d’Etats ou de territoires non coopératifs. Une liste de ces pays[4] est désormais fixée annuellement par arrêté ministériel. Malheureusement, aucune sanction réelle n’est appliquée aux établissements financiers qui ont des activités dans les territoires en question.
Dans cette situation, les collectivités locales ne sont pourtant sans pouvoir d’action. Alors que deux tiers des investissements publics sont assumés par les collectivités locales et que l’ensemble des commandes publiques représente 15% du PIB, elles peuvent contribuer à l’instauration de règles de transparence et d’éthique dans les relations financières et ce, en revisitant leurs partenariats avec les établissements bancaires
Ainsi le présent texte a pour objet d’affirmer l’exigence de la ville de Caen d’instaurer une véritable transparence dans ses relations avec ses partenaires bancaires par la mise en œuvre de mesures concrètes visant à satisfaire à cette exigence dans le cadre de la mobilisation de l’emprunt nécessaire à l’équilibre du budget ou à la gestion de la dette.
Pour cela, quatre propositions :
– A compter de cette date, à apprécier la réalisation d’une opération financière avec un établissement bancaire en tenant compte de la situation dudit établissement au regard des Etats et territoires non coopératifs et des outils qu’il a pu mettre en œuvre pour lutter contre le blanchiment, la corruption et la fraude fiscale. Il sera ainsi demandé aux établissements de préciser leur situation ou celle des entités dans lesquelles ils possèdent une participation majoritaire au regard de la liste des Etats et territoires non coopératifs, telle que définie par arrêté ministériel au 1er janvier de chaque année en application du code général des impôts. Ces éléments seront déterminants dans le choix de l’établissement à retenir.
– A refuser, dès que la réglementation le permettra, de tenir compte des offres ou propositions de services présentées par des organismes bancaires ou financiers qui ont déclaré exercer eux-mêmes ou par un organisme dont ils détiennent une participation majoritaire, une activité dans les états ou territoires non coopératifs figurant sur la liste prévue à l’article 238-0 A du code général des impôts.
– A demander aux établissements bancaires avec lesquels la ville aura contracté une présentation annuelle d’un état pays par pays portant information de la raison sociale sous laquelle ils opèrent, du chiffre d’affaires et du résultat d’exercice enregistrés, des effectifs employés, des impôts et taxes versés aux autorités publiques locales dans le cadre des lois fiscales en vigueur.
– A faire état annuellement en Conseil Municipal, après une présentation à la commission 4, des informations transmises par les établissements avec lesquels la ville aura contracté.
[1] En 2008, selon l’avocat fiscaliste Edouard Chambost.
[2] Selon Daniel Lebègue, président de Transparence internationale France (et ancien directeur du Trésor puis directeur général de la BNP)
[3] Le déficit public en France est de 148,8 milliards en 2010.
[4] Liste des États et territoires mentionnée au code général des impôts d’avril 2011 : Anguilla, Belize, Brunei, Costa Rica, Dominique, Grenade, Guatemala, Iles Cook,Iles Marshall, Iles Turques et Caïques, Liberia, Montserrat, Nauru, Niue, Panama, Philippines, Saint-Vincent et les Grenadines, Sultanat d’Oman.
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